« La paix par le droit » (« Frieden durch Recht ») - c'est avec cette devise que la « Gesellschaft für Reichskammergerichtsforschung » synthétise l'action de la plus haute juridiction. Par cela, elle exprime la réussite du tribunal, créé à l'origine en réaction à l'interdiction générale des justices privées et devenu une véritable alternative pour la résolution de conflits. Ainsi le « Reichskammergericht » offrait même aux sujets la possibilité de traduire en justice leurs seigneurs.
Dans ce contexte, Winfried Schulze avait déjà avancé en 1975 une thèse, selon laquelle les conflits sociaux et politiques suivant la révolte paysanne de 1525 auraient été « judiciarisés ». Les statistiques concernant le « Reichskammergericht » prouvent cette thèse. Ainsi, Filippo Ranieri constate que les procédures devant les cours d'appel contre les seigneurs augmentent vers la fin du XVIe siècle. Entre les années 1587 et 1589, elles constituent presque 8% de tous les procès. Cette tendance se poursuit dans les siècles suivants. Notamment de nombreux villages portent plainte dans les 40 ans qui suivent la guerre de Trente Ans. Au cours du XVIIIe siècle, la proportion baisse. Il n'existe que peu de pointes dans les périodes allant de 1730 à 1739 et de 1790 à 1799, peut-être en réaction à la Révolution française.
Néanmoins, ces indices suffirent pour initier toute une série de recherches concernant les procès émanant des sujets. Ces recherches démontrent cependant que bien des acteurs ne se limitèrent à la procédure judiciaire, mais qu'ils développèrent un répertoire assez large allant de moyens pacifiques à des moyens violents pour faire prévaloir leurs droits. Choisir la procédure dépendait de plusieurs facteurs, entre autres de la disposition à la violence ou de la confiance dans la justice, mais elle dépendait aussi de l'arrangement des procès, de sa durée, de ses coûts, de son efficacité, des contacts avec l'Empereur, ou de la situation initiale géopolitique dans les territoires régionaux etc. ; en outre cela dépendait aussi des circonstances concrètes qui pouvaient mettre en évidence d'autres modes de résolutions alternatives.
Partiellement, les moyens judiciaires et extra-judiciaires furent utilisés simultanément. Ainsi le démontrent les recherches de Bernhard Diestelkamp au sujet de la commune de Freienseen et de son conflit avec le comte de Solms-Laubach, conflit qui ne fut résolu qu'après une transaction judiciaire conclue à Marburg en 1639 et qui fit accepter le contenu de la décision du « Reichskammergericht », car uniquement la transaction judiciaire répondait aux attentes du comte et de la commune.
En outre, Distelkamp peut démontrer que se tourner directement vers l'Empereur était un moyen manière fréquemment utilisé (bien qu'inefficace) dont usait les sujets afin d'influencer la jurisprudence du tribunal. Notamment dans les conflits communaux, la paix n'était pas uniquement ramenée par un jugement du tribunal, mais plus souvent après une transaction judiciaire entre un conseil et la communauté. Néanmoins, cette transaction n'aurait pas pu être conclue sans la médiation du « Reichskammergericht », ou en partie par l'intervention du « Reichshofrat » ainsi que de ses commissions mises en place.
Ces développements montrent qu'un large répertoire de moyens de possibles résolutions de conflits était disponible dans les domaines juridiques et extra-juridiques. Souvent ces deux domaines se mélangeaient. Afin d'exposer ceci et pour garantir la comparabilité avec les autres projets, la recherche sera guidée par les problématiques suivantes :
En premier lieu, il faudra poser la question du nombre et des origines des acteurs. Ensuite, il faudra clarifier la question sur le coût que générait un conflit. Qui était prêt à payer et comment payait-on? Quel rôle jouait le « Armenrecht » (« droit des pauvres »), déjà introduit au « Reichskammergericht » en 1495? D'autres questions s'ensuivent : combien de temps les procès duraient-ils ? La résolution de conflits avait-elle un effet durable ? Qui surveillait l’efficacité et l’exécution des décision? Sous quelles conditions tous les acteurs acceptaient-ils les décisions? Il faudra aussi prendre en considération les moyens de solution de conflits extra-judiciaires, notamment la résistance passive de la part des sujets, mais aussi l'intervention armée du pouvoir, ainsi que plusieurs autres possibilités de recourir aux médias. Il faudra aussi poser la question suivante : quels moyens de règlement étaient à la disposition de qui, et comment furent-ils réalisés ?
Comme base, il est prévu de réaliser une bibliographie de la littérature concernant les procès des sujets, afin d'établir un cadre provisoire des différentes possibilités d'agir. A un moment ultérieur, des recherches dans les archives pourront élargir l'ensemble des données. Cependant, il faudra noter que les résolutions de conflits judiciaires ont laissés plus de traces dans les archives, alors que trouver les traces de résolutions extra-judiciaires relève davantage du hasard.
Le champ sémantique posera d'autres problèmes et difficultés. Ainsi, il faudra examiner comment définir les « modes de résolution extra-judiciaires » à l'époque moderne. Le but sera de comparer les avantages et les inconvénients, ainsi que la pérennité ou la fugacité des résolutions de conflits trouvées entre les sujets et le pouvoir en place lors de recours aux tribunaux ou d'autres moyens de résolutions de conflits. Finalement, il faut se poser la question : la paix par le droit – mais à quel prix ?